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Kais

Saied

Tunisian Presidency

Monsieur le Président Kaïs Saïed,

Nous vous écrivons pour vous demander de protéger les droits humains inscrits dans la Constitution tunisienne et de mettre fin à la détérioration actuelle des droits humains et de leurs garanties.

Au cours de l’année 2023 en particulier, Amnesty International a constaté une régression croissante des protections des droits humains en Tunisie. Des personnes ayant exprimé leur opposition ou des critiques ont été injustement soumises à des enquêtes pénales et emprisonnées, simplement parce qu’elles avaient exercé leur droit à la liberté d’expression.

Nous sommes particulièrement préoccupés par le maintien en détention de six personnalités politiques dans le cadre d’une affaire de « complot » et par le fait que les autorités ont ouvert des enquêtes pénales contre au moins 50 personnes, dont des responsables politiques de l’opposition, des journalistes et des avocat·e·s, pour des accusations infondées de complot contre l’État. La promulgation du Décret-loi n° 54, comportant des dispositions répressives, constitue une menace supplémentaire pour la liberté d’expression. Des enquêtes ont été ouvertes à l’encontre d’au moins 13 personnes depuis l’adoption de ce texte.

Depuis juillet 2021, vous et votre gouvernement avez discrédité à maintes reprises les organisations de la société civile en les accusant de servir des intérêts étrangers. En parallèle, au moins trois projets de loi visant à modifier le Décret-loi n° 88 ont été élaborés, dont l’un a été soumis au Parlement en octobre 2023. L’ensemble de ces projets de loi démontre clairement une intention de restreindre l’espace civique et de limiter les droits humains en Tunisie, notamment le droit à la liberté d’association, l’un des acquis les plus importants de la révolution de 2011.

De plus, votre décision de dissoudre le Conseil supérieur de la magistrature, son remplacement par un organe temporaire plus faible et l’octroi au président du pouvoir de révoquer sommairement des juges entravent l’indépendance et l’impartialité de la justice.

Enfin, depuis juillet 2023, les autorités ont collectivement expulsé plusieurs milliers de personnes migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile, dont des enfants. Ces expulsions ont eu lieu sans qu’un examen individualisé de leurs besoins n’ait été réalisé et en dehors de toute procédure judiciaire. Nombre de ces expulsions sont intervenues à la suite d’interceptions en mer, qui se sont multipliées de manière exponentielle à partir du mois de juillet et ont souvent donné lieu à des manœuvres dangereuses, blessant des migrant·e·s. Ces personnes ont subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements de la part de la police tunisienne et de la Garde nationale au cours de leur désembarquement, de leur expulsion et de leur détention.

Je vous appelle, vous et votre gouvernement, à cesser immédiatement d’attaquer les droits humains et à vous engager à honorer les obligations de la Tunisie au regard des traités relatifs aux droits humains, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, auxquels la Tunisie est partie.

Bien cordialement,

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