Amnesty International

Bola Ahmed Adekunle

Tinubu

Nigeria

Monsieur le Président de la République,

Je vous écris au sujet de l’avenir des filles et des jeunes femmes qui ont subi de terribles violences pendant leur captivité aux mains de Boko Haram, dans le nord-est du Nigeria. Après avoir échappé à Boko Haram, nombre d’entre elles ont enduré de nouvelles souffrances durant leur détention illégale par l’armée. Ces rescapées se retrouvent maintenant sans accès aux services de base. Monsieur le Président, je vous prie, ainsi que votre gouvernement, de prendre immédiatement des mesures efficaces pour donner les moyens d’agir à ces filles et jeunes femmes en veillant à ce qu’elles aient accès à des soins médicaux, à l’éducation et à des moyens de subsistance.

Alors que l’ensemble de la population du nord-est du Nigeria a été touché par le conflit, les filles qui sont devenues liées à Boko Haram, dans leur immense majorité parce qu’elles ont été enlevées et mariées de force à un âge précoce, ont vécu une expérience sans équivalent et ont des besoins spécifiques à leur âge et à leur genre. Beaucoup, si ce n’est la totalité d’entre elles, souffrent d’effets durables tels que des complications de santé, d’un manque d’accès à l’éducation, d’une stigmatisation et d’un rejet de la part de leur famille et de leur communauté.

Boko Haram a utilisé des filles et jeunes femmes comme « épouses », les mariant de force, parfois à de multiples reprises, et les soumettant pendant des années à une servitude domestique et à des violences sexuelles, notamment des grossesses forcées. Boko Haram a endoctriné des filles et des jeunes femmes pour leur imposer son idéologie et les a forcées à vivre selon des règles strictes en restreignant sévèrement leur droit de circuler librement et en leur interdisant de quitter le groupe. Boko Haram a également forcé ces filles et jeunes femmes à assister à des châtiments, notamment des décapitations, des flagellations et des amputations de membres. Certaines d’entre elles ont été converties de force. Une grande partie des crimes recensés par Amnesty International constituent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

Un grand nombre des filles et des jeunes femmes ayant échappé à Boko Haram sont retournées dans les zones contrôlées par le gouvernement, en ayant des besoins spécifiques. La plupart des rescapées qu’Amnesty International a rencontrées n’ont eu accès ni à la justice, ni à l’éducation, ni à des possibilités d’assurer leur subsistance telles qu’une formation professionnelle, ni à des services de santé adaptés, y compris des services de santé mentale, sexuelle et reproductive.

Malgré des mesures prises à des fins de réunification familiale, le gouvernement nigérian n’a pas fait le nécessaire pour respecter les obligations auxquelles il est tenu par le droit international relatif aux droits humains en ce qui concerne la réinsertion de ces filles et jeunes femmes. De plus, au lieu de recevoir une aide correspondant à leurs besoins spécifiques, un grand nombre de filles et de jeunes femmes ont été détenues illégalement par l’armée dans divers centres de détention dans les États de Borno et d’Adamawa.

Après avoir été soumises pendant des années à des violations de leurs droits fondamentaux, les filles et jeunes femmes qu’Amnesty International a rencontrées envoient un message très clair : elles veulent reconstruire leur vie.

Je vous prie, ainsi que votre gouvernement, de prendre des mesures appropriées et efficaces pour donner les moyens d’agir à toutes les rescapées en veillant à ce qu’elles :
•	bénéficient si elles le souhaitent d’un bilan médical immédiatement après avoir quitté Boko Haram, et aient accès à des soins de santé exhaustifs et confidentiels après leur réinsertion ;
•	aient accès à l’enseignement public en veillant à ce qu’elles soient en sécurité et acceptées dans les établissements d’enseignement des différents États et dans les camps de personnes déplacées, en supprimant tous les coûts et les frais liés à l’enseignement primaire, et en mettant en place des programmes visant à supprimer la stigmatisation et la discrimination dont elles font l’objet ;
•	bénéficient de façon effective de programmes de formation professionnelle et de qualification afin de les aider à devenir financièrement autonomes à terme.

Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma très haute considération

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